Dans le milieu éducatif, une certaine culture du repli s’est installée depuis des décennies, où prédominent la discrétion et une forme de protection mutuelle entre enseignants, parfois perçue comme un corporatisme marqué. Eh bien, figurez-vous que cette solidarité reste toute relative quand on regarde de plus près. L’abandon que subissait récemment un collègue, de sa hiérarchie comme de l’ensemble de ses collègues en est une preuve irréfutable. Condamné avant même que d’avoir pu se défendre ni d’avoir été jugé, faisant fi de l’adage pourtant factuel de la présomption d’innocence, le pauvre bougre a fini par quitter définitivement le territoire en ayant pris soin de déménager au préalable. Cette vindicte populaire qui s’acharnait à laquelle s’ajoutait le mutisme quasi insoutenable de tous les enseignants de l’Andorre l’ont rendu plus méfiant et il avait décidément raison. Évincé, cloué au pilori par la presse locale, tandis que les ragots circulaient plus vite qu’une missive dans les méandres de l’administration, l’homme s’est senti lâché, totalement abandonné, mis en joue devant un peloton bien aligné et obéissant de fonctionnaires trop absorbés par leurs propres soucis que ceux d’un camarade véritablement en danger. Plus que cela, ils ont émis et fait circuler comme des langues de vipère ces faits et gestes d’antan, comme si rappeler à qui voulait l’entendre que de toutes les manières, ce n’était pas un homme bien et qu’il méritait ce qu’il lui arrivait. La peur, l’orgueil et l’ignoble profession de foi envers l’éducation nationale les auraient rendus si méprisables qu’ils en oublièrent toute solidarité ? Pauvres soldats armés de balles à blanc, ils ont néanmoins fait mouche et le prisonnier, peut-être innocent, s’en est allé. Moralité, la charité ne vaut rien si elle cède face à la peur, aux ragots et au confort du silence.